L’enfer des écrans

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C’est de la technologie, c’est moderne, allons-y ! Un peu comme naguère, lorsqu’on truffait d’animations les sites web pour avoir l’air plus dynamique, les marques automobiles se paient aujourd’hui des écrans toujours plus grands pour paraître toujours plus connectées.

Un bouton, ce n’est pas grand chose. C’est tout bête, c’est interchangeable, ça ne vaut pas le prix d’un billet de newsletter. Mais viendrait-il à manquer, que ça deviendrait tout de suite une autre histoire.

Entrez chez un concessionnaire automobile et cette absence vous sautera aux yeux. Devenus aussi rares que la ronce de noyer, les boutons et contrôleurs, jadis omniprésents, ont quasi disparu des tableaux de bord pour laisser la place à des écrans ultra-lumineux, énormes. Des écrans. Encore des écrans. Certains aiment. D’autres, comme moi, détestent. Et pas seulement pour des raisons écologiques ou esthétiques, pas même par une coupable nostalgie pour les tires vociférantes du siècle dernier, mais bien pour des raisons fonctionnelles. 

Un magazine suédois a comparé récemment le temps nécessaire pour remplir une série de tâches : allumer la radio, sélectionner une station, enclencher le dégivreur, etc. Le résultat est net. Les manipulations ont pris 10 secondes sur une Volvo de 17 ans d’age équipée de boutons antédiluviens contre 23.5 secondes sur l’écran d’une Tesla 3 et 30 secondes sur une BMW iX. Sur une MG Marvel R, c’est encore pire, puisqu’il a fallu plus de 45 secondes au total. La différence n’est pas minime. 

Si l’on met de côté l’argument économique (à seulement 50 Euros, un écran s’avèrerait plus économique que toute autre solution) et le supposé désir des conducteurs ( Henry Ford disait il y a plus d’un siècle que s’il avait demandé leur avis aux consommateurs ils auraient réclamé des chevaux plus rapides), on peut s’étonner du manque de discernement des marques automobiles sur ce qui différencie une innovation d’un simple gadget. C’est de la technologie, c’est moderne, allons-y !

Un peu comme naguère lorsqu’on truffait d’animations les sites web pour avoir l’air plus dynamique, les marques automobiles se paient aujourd’hui des écrans toujours plus grands pour paraître connectées. Le problème c’est que chaque supplément de temps de manipulation est synonyme de danger accru pour la vie des automobilistes : traduite en distance, la durée d’inattention représente 1372 mètres pour une MG roulant à 110 km/h contre 306 mètres seulement pour la Volvo. C’est énorme.

Cet exemple nous rappelle que les écrans ont leur avantages incontestables dans certaines situations mais que le choix de leur utilisation doit surtout dépendre de leur finalité.

Une innovation et un design ne sont jamais neutres. Ils doivent rester le résultat d’une approche rationnelle et éthique qui vise à créer des produits qui améliorent le confort des utilisateurs sans leur imposer des contraintes supplémentaires ou des distractions inutiles. Ils sont également indissociables de l’étude et de l’anticipation d’un maximum de conséquences liées à leur utilisations.

L’US Navy l’a compris à ses dépens lorsqu’elle a pris en 2019 la décision de remplacer ses écrans tactiles par des manettes physiques après une série d’accidents qui auraient pu facilement être évités. Il semblerait que les constructeurs automobiles aient aussi fini par le comprendre : les prochaines Porsche Cayenne, Volkswagen et Hyundai devraient revenir à leur tour à plus de boutons et à moins d’écrans.



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