Historiquement, les réseaux sociaux se sont construits autour du partage du plus de contenus possible par le plus grand nombre. Les utilisateurs se connectent d’abord pour échanger des informations avec leurs amis, leur famille et leurs collègues, et accessoirement, peuvent suivre les tendances du moment, les hashtags populaires, les célébrités influentes, etc.
Ca, c’était vrai au début. Depuis, la situation a évolué. Les réseaux sociaux, devenus médias sociaux, sont passés d’une stratégie de croissance à tout prix à une stratégie de retour sur investissement. Des entreprises de divertissement qui ont réduit la portée des contenus générés par les utilisateurs pour les remplacer par un maximum de publicités dans les feeds.
TikTok et les algorithmes nouvelle génération
Est arrivé TikTok. Tiktok et tout plein de messageries et d’applications qui ont ébranlé l’hégémonie des FB, Insta, Twitter et Snap grâce à un nouveau type d’expérience, basé autour de feeds ultra personnalisés, hyper addictifs, et beaucoup plus rentables.
Des flux construits avec des algos qui se focalisent surtout sur qui est chaque utilisateur (ce qu’il a de plus singulier, ce qu’il aime, ce qui l’intéresse), et moins sur ses amis ou ses centres d’intérêt déclarés. Des flux plus intimes et moins sociaux, basés sur de coûteux programmes de Machine Learning qui génèrent des successions de vidéos pensées pour chaque utilisateur. Des flux intelligents, qui s’améliorent à chaque interaction et s’enrichissent à chaque nouveau mouvement du pouce. Détectant les communautés les plus obscures, les hobbys les plus insolites et les passions les plus dévorantes (parfois inavouables), ces programmes détectent à la vitesse algorithmique des multitudes de niches et de cultures alternatives qu’ils vont ensuite nourrir sans relâche.
Plus récemment, Meta & Co. ont du faire face aux spectaculaires développements de l’IA, devenue menace et opportunité. En constatant que “leurs” données sont largement utilisées par des LLM comme OpenAI et Google, elles comprennent que laisser l’accès libre aux contenus diffusés sur leur plateforme est une aberration économique et décident de restreindre encore plus les possibilités (Cf. les évolutions de X-Twitter – fermeture des API, restrictions du nombre maximal de vues par jour -, les débats autour du nouveau Reddit, etc.).
Ce faisant, elles actent la disparition d’un web social et ouvert à tous et la montée en puissance de nouvelles plateformes moins généralistes, plus confidentielles et moins exposées (CoHost, Twitch, True, Mastodon, BeReal, etc.), où se réfugient les internautes les plus jeunes, lassés par les contenus génériques, superficiels et envahissants imposés par les algorithmes.
Comment attirer les 8 secondes d’attention de la Swipe Generation, cette génération qui zappe son fil de vidéos avant même de savoir lire son nom. Qui navigue parmi les contenus sans citer les auteurs. Qui ambitionne de guider les leaders plutôt que de les suivre. Qui préfère créer que consommer. Qui veut s’organiser par elle-même. Qui pourrait vivre connectée toute la journée, toute la nuit, toute la vie. Et qui ne tolère pas qu’on lui dise ce qu’elle doit faire et penser.
Face à ces questions et à un web plus fragmenté que jamais, les entreprises n’ont pas fini de chercher la clé. Après avoir pendant plus d’une décennie investi des sommes considérables dans les médias sociaux, embauché des ados pour écrire des Emojis et des Memes, parié sur les super pouvoirs des influenceurs, elles doivent maintenant trouver le nouveau Sésame qui leur permettra de négocier une place dans les habitudes de leurs cibles et de lier et consolider des liens avec eux, le cas échéant.
Finis les Yolo et les quoicoubeh ! L’effacement des anciennes règles laisse la place libre à de nouveaux défis liés aux goûts et exigences des nouvelles générations nourries à des influences qui nous ont quelque peu échappé.
Les défis marketing sont nombreux : comment créer, intégrer et entretenir la conversation avec les tribus éparpillées à travers le net ? Comment établir le contact avec elles, sans être rejeté ? Comment convaincre les cibles de co-exister et de co-créer des contenus ? Comment adopter les codes des fans de la marque, partager leurs artefacts et croyances tout en ne perdant rien de son authenticité ? Comment ne pas disparaître de l’univers numérique et sans mémoire ?
Paradoxalement, c’est peut-être les débats autour de l’IA qui sont en train de faire émerger les réflexions les plus pertinentes. Ces discussions montrent que la dimension humaine reste essentielle pour générer de l’émotion, de l’influence et de l’impact. Elles redéfinissent ce qui est humain et ce qui ne l’est pas. Ce qui crée de l’émotion et ce qui n’en crée guère. Ce qui connecte et ce qui irrite.
Les marques doivent trouver et investir leurs niches et leurs territoires pour perdurer dans le monde des Swipes. Et ce sont celles qui connaissent le mieux leurs publics, qui s’éparpilleront le moins, qui créeront des émotions et délivreront des contenus authentiques et utiles, qui auront le plus de chances de faire la différence dans un paysage où le marketing est souvent devenu indésirable.
Laisser un commentaire